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Toi, mineur non accompagné

 Aujourd’hui, je souhaite vous évoquer la situation de jeunes au courage incroyable rencontrés lors de mon service civique dans l’association Utopia 56 Tours. Cette dernière œuvre auprès de mineurs non accompagnés étrangers, qui se retrouvent à la rue, rejetés par le conseil départemental. N’hésitez pas à vous rendre sur la page pour en savoir plus.
Il me tient à cœur de vous partager cette réalité et la situation de ces jeunes tellement attachants 💫

Solène

Toi. Cela fait des mois que je te côtoie quotidiennement, tu m'impressionnes et me touches un peu plus de jour en jour. Aujourd'hui, je prends le temps de t'adresser ces quelques mots.

Toi qui es un mineur isolé étranger. Tu es bien plus que cela en vérité. Lorsque l'on questionne la fille d'une bénévole sur le terme migrant, elle répond innocemment "c’est parce qu'il est mi-grand". En effet, tu n'es pas encore un adulte, et c'est pour cela que tu demandes la protection de l'État. Mais tu ne l'as pas.

 

Toi, jeune migrant, jeune être humain empli de rêves, qui es-tu ?

Toi qui as quitté ton pays pour fuir la pauvreté, la violence ou l'insécurité. Tu viens du Mali, de Côte d'Ivoire, de Guinée, du Bangladesh, du Sénégal, du Cameroun. Si tu avais pu vivre sereinement dans ton pays, tu y serais très certainement resté.

 

Toi. Tu es parti, sans vraiment le vouloir, parfois même sans le savoir, tu as vécu le plus dangereux des voyages. Il a duré des mois. Tu as vécu des instants invivables et épuisants, en côtoyant la violence, la mort, le manque et les réseaux malveillants. Tu as traversé tout cela et tu as marché jusqu'à nous. Tu es un survivant de ce douloureux exil.

Toi qui as dû dire au revoir à tes proches, ton pays, tes terres, ta culture, ta vie là-bas, je n'imagine même pas à quel point cela à dû être déchirant pour toi. Quelle que soit la chose que tu voulais fuir dans ton pays, une autre te retenait forcément dans celui-ci.

 

Toi qui as parfois commencé ce voyage avec un ami, un frère, ou un cousin. Vous vous êtes finalement perdus dans ce chaos. Quelle angoisse énorme cela a dû être pour toi de te retrouver seul en perdant une personne qui t'était chère.

Toi qui es arrivé en France plein d'espoirs, tu as vite été confronté à l'inhumanité. Originaire d'un pays où l'accueil est une valeur tellement importante, tu t'es retrouvé ici privé d'un toit, de nourriture ou de quelconque attention. Tu as pris claque sur claque. Pourtant tu avais espoir qu'on te tende la main, comme tu l'aurais fait mille fois pour moi dans ton pays. Où est l’humanité ? Je pleure.

 

Toi qui, pour demander une protection de la France, as dû être confronté à l'épreuve du doute. Tu as dû justifier de qui tu étais alors que tu arrivais tout juste de ce voyage de l'extrême, complétement désorienté et effrayé. Comment prouver son âge ? Je ne sais pas.

 

Toi, jeune et vulnérable, tu as été remis dehors. Tu croyais entrer dans un pays défenseur des droits de l'enfant. Mais aujourd'hui tu n'as pas cette protection dont tu devrais bénéficier par ton jeune âge. On te traître de menteur, de manière complètement aléatoire. Comment vis-tu cette accusation infondée ? Tu t'es retrouvé à dormir dans la rue, dans ce froid qui te transperce et dans cette ignorance qui te glace.

 

Toi qui ne demandes qu’à avancer, tu as pourtant été stoppé dans ton élan de volonté immense. Nous te demandons d’attendre des mois pour prouver à nouveau ton âge. Des mois pour avoir la chance de dormir à l’abri. Des mois pour accéder à l’école. Toi qui as bousculé toute ta vie pour l’améliorer, tu es désormais tributaire des autres pour la vivre comme tu le voudrais.

Toi, jeune plein d’espoirs, tu ne devrais pas dormir dehors. Tu es un être humain. Qu’il soit enfant, vieux mineur, jeune majeur, adulte ou âgé, l’être humain n’a pas à dormir dehors. N’a pas à mourir dehors. Qu’une personne soit mineure ou non, où place t-on l'humanité ?

 

Toi qui ne demandes qu’à dormir dans un endroit sécurisé, comment t’évoquer le fait que des milliers de logements sont pourtant vides ? Bien que tu souhaites de toutes tes forces en apprendre un peu plus chaque jour sur notre pays, j’ai honte de t’apprendre certaines injustices telles que celle-ci. Des bâtiments sont vides, des personnes dorment dehors. Paradoxe pourtant presque ignoré.

 

Toi. Comment comprends-tu que tu es abandonné de tous côtés ? Laissé à la rue par l’Etat qui te dit majeur. Laissé à la rue par les dispositifs pour personnes sans-abri, qui te disent mineurs. Qui es-tu ? Pourtant tu existe, je te vois, je t’admire.

 

Toi jeune au courage incroyable, oui je le crie : je t’admire ! Tu nous remercies souvent de prendre ta défense mais pourtant aujourd’hui c’est moi qui te dis merci. Merci de rester debout et de ne pas t’écrouler. Tu m’apprends la détermination, la volonté et la force de vivre. Tu m’apprends à ne jamais perdre espoir et à garder foi en l’humain, malgré tout.

 

Toi. Tu n’es pas seul dans cette situation inacceptable. Abdul, Miay, Mahmoud, Djiba, Stéphane, Mory, Omar, Simballa, Ichaka, Losseny, Djimé... Des prénoms jusqu’à s’en essouffler.

Toi, tu es là. Tu as survécu. Tu ne veux plus survivre mais tu veux vivre. Crois en toi, en tes rêves, à cette vie meilleure que tu es venu chercher. Aime. Ris. Découvre. Apprends. Lis. Danse. Parle. Souris. Écris. Contredis. Échange. Crie. Rêve. Avance. Vis. ❤️

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Commentaires: 1
  • #1

    Flo (jeudi, 23 avril 2020 21:33)

    C est bien touchant et révoltant également. Belle manière d un simple remerciement, merci !