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Toi enfant Gypsy

Après avoir rencontré cet enfant talibé au Sénégal, nous sommes venues te rencontrer toi, enfant Gypsy d’Inde.

Toi enfant Gypsy, tu nous as tellement bouleversé que nous en perdons nos mots pour commencer ce récit.

Toi qui grandi souvent dans des familles extrêmement pauvres, tu es issu d’un peuple nommé « Banjaras ». Lorsque le système de castes existait encore, ta famille faisait parti de la couche la plus basse de la société. Il est desormais aboli, mais visiblement les inégalités subsistent.

Toi qui est né dans ce système, c’était toi, mais ça aurait pu être moi.

Toi enfant Gypsy qui vit sous des bâches avec tes parents dans les chantiers sur lesquels ils travaillent pour survivre. Quel endroit dangereux pour toi, inacceptable pour n’importe qui. Alors pour un enfant ?

Toi qui voit ta famille construire des appartements parfois luxueux. Comment le comprends-tu alors que tu n’as pas de toit pour vivre ? Es-tu parfois en colère pour cette injustice ?

Toi enfant Gypsy rencontrée près d’une maison d’enfant. Nous avons vu ton sourire mais nous avons aussi vu cette blessure infectée. Tu n’as pas accès aux soins. Même lorsque l’on te les propose, ta maman refuse. Mais comment peut-elle faire confiance facilement à des personnes extérieures, mêmes médicales, alors que tu es mis en marge de la société ?

Toi qui nous demande joyeusement si nous avons bien mangé alors que tu n’as peut être pas mangé à ta faim. Quelle prise de conscience pour nous.

Toi enfant Gypsy que nous sommes venues rencontrer dans ces quatre précieuses maisons d’enfants. Chacune d’entre-elle te permet de manger, de dormir sous un toit, d’accéder à une éducation et de vivre ta religion. D’avoir une vie d’enfant. Tout cela dans l’amour.

Toi qui passe ton temps à entonner un chant et à nous en demander de nouveaux : que nous avons pu passer de mélodieux moments ensemble ! Plus d’une fois tu nous as provoqué des frissons et les larmes aux yeux.

Toi enfant Gypsy, que nous avons vu travailler des heures, ayant une soif d'apprendre intarissable, tu sais que l'école est l'un des seuls moyen de t'en sortir et que sans l'association tu n'aurais pas accès à celle-ci.

Toi enfant Gypsy, rentrant de ton premier jour d'examen, tu nous a conduit dans des chants et des danses effrénées, le sourire aux lèvres. Quel moment inoubliable. Tu étais si fier et rassuré d’avoir franchi cette étape importante.

Toi que l'on voit s'épanouir au quotidien, quelle joie de te voir respirer le bonheur. Tu nous as entraîné dans celui-ci et nous te remercions pour cela, infiniment.

Toi enfant Gypsy, même loin de ta famille, le lien perdure au quotidien. Tu reçois des appels et des visites le week-end et tu es si heureux de pouvoir nous partager cela. Tu aimes nous donner le nom de tes proches et connaitre celui des nôtres. Tu confirmes l’adage loin des yeux près du cœur. Et pourtant parfois...

Toi qui attend l'arrivée de ta maman ce week-end, tu apprends qu'elle ne pourra finalement pas venir. Quelle déception pour toi de ne pas pouvoir la retrouver. C’est aussi la réalité, tu es séparé de ta famille, et c’est parfois bien difficile pour toi.

Toi enfant Gypsy, autonome dès le plus jeune âge, tu peux aussi bien balayer, faire la lessive, aller chercher l'eau à moto, prendre soin des enfants du gardien ou encore réparer le compteur d'électricité.

Toi qui pries pour nous dès notre arrivée. Tu nous confies peut-être à Celui en qui tu crois ? Qu'il fut bouleversant d'entendre vos prières mêlés à nos prénoms.

Toi qui avais du mal à comprendre que je n’ai pas les mêmes croyances que toi. Tu m’as beaucoup questionnée sans jamais me juger. Alors que ta religion guide tous tes pas, tu as essayé de comprendre comment je pouvais vivre sans ton Dieu.

Toi qui as pu t'inquiéter comme rire de nos chutes lors de nos jeux partagés. Nous avons tout donné au cricket, volley-ball et « Un, deux, trois Solène » !

Toi enfant Gypsy, que nous avons pu rire de nos différences culturelles ! Nous pensons particulièrement à ce jour où tu nous as fait changer de place rapidement pour ne pas être dans la trajectoire du papi qui a l'habitude de cracher à cet endroit. Tu nous as bien fait rire à le mimer tant de fois après ça !

Toi qui nous a partagé tes tenues traditionnelles, tes coiffures, une part de ton identité que tu veux sûrement préserver. C’était des moments touchants en ta compagnie.

Toi qui pouvait tant te dévaloriser, nous repétant que tu n'étais pas capable. Ô combien nous espérons aujourd'hui que tu réalises davantage qui tu es.

Toi enfant Gypsy, tu nous as partagé ton histoire, parfois bien difficile à entendre, quitte à en verser des larmes. Nous espérons que ton cœur s’apaisera.

Toi avec qui nous n’avons parfois pas besoin de parler pour nous comprendre. Et non sister Rowanne « The kitchen (chicken) is not in the kitchen ». Ça tu as vite compris et tu en a bien ris.

Toi avec qui nous avons pu rire, danser, sauter, courir, chanter, pleurer, crier, cuisiner, goûter, coiffer, échanger, apprendre, questionner, dessiner, créer, imaginer... Nous avons vécu ton quotidien et avons pris le temps de te connaitre, de te rencontrer, de te laisser venir à nous.

Toi a qui nous avons dit au revoir, nous avons laissé une part de notre cœur avec toi, te faisant signe jusqu'au moment où nous ne pouvions plus distinguer ta silhouette. ♡

Nous sommes reparties avec tous ces souvenirs de toi en tête, sans vouloir véritablement te quitter. Tu le sais, nous t’aimons. Et aujourd’hui nous ne pouvons empêcher nos pensées d’être sans cesse avec toi. A nos retrouvailles, un jour.

 

🌍 S

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